Le 2 mars 2021

Question orale de M. Matthieu Daele à Mme Valérie Glatigny, ministre de l’Enseignement supérieur, de l’Enseignement de la Promotion sociale, des Hôpitaux universitaires, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, de la Jeunesse, des Sports et de la Promotion de Bruxelles, intitulée

«Quatre maisons de jeunes en moins en Fédération Wallonie-Bruxelles»

M. Matthieu Daele (Ecolo).

La crise sanitaire affecte lourdement la jeunesse. Les cris de détresse sont de plus en plus nombreux. Les maisons de jeunes sont fermées depuis des mois, car considérées comme non essentielles. Or, elles jouent un rôle crucial. En plus d’être des lieux de rencontre, elles sont des lieux d’écoute et d’épanouissement pour les jeunes. Les activités culturelles, citoyennes ou sportives qu’elles proposent contribuent à la formation de futurs citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires (CRACs). Cette mission est d’autant plus essentielle dans la situation actuelle, dont les jeunes sont des victimes directes. Le 1er février dernier, vous avez décidé, Madame la Ministre, de retirer l’agrément de quatre maisons de jeunes. Cette décision implique la fin de la subvention permettant de couvrir la majeure partie de leurs frais salariaux. Ces maisons de jeunes sont désormais sous la menace d’une fermeture définitive.

Parmi ces quatre maisons de jeunes, celle de Jambes existe depuis près de 40ans. Installée à côté de l’Espace Francis Laloux au cœur du Parc Astrid de Jambes, elle est gérée par une dizaine d’employés et une douzaine de volontaires, qui sont en charge de vingtateliers hebdomadaires. La maison de jeunes de Jambes concerne plus de 200 jeunes et est, à ce titre, la seconde plus importante en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Après avoir vécu des difficultés et reçu un rapport négatif de l’inspection, la maison de jeunes de Jambes a enclenché une nouvelle dynamique. Elle a reçu un avis positif de la CCMCJ au mois de décembre dernier, soulignant le travail de qualité réalisé dans la rédaction de son plan quadriennal. Malgré le premier rapport négatif, l’évolution positive de la maison de jeunes de Jambes tout au long de l’année 2020 permettait d’espérer une sanction limitée. La maison de jeunes aurait pu être rétrogradée d’un niveau, sans que soit menacée la poursuite de ses activités.

Madame la Ministre, est-il judicieux, en ce moment précis, de retirer l’agrément de quatre maisons de jeunes, quelle que soit leur situation respective ? Un gel permettrait à toutes les maisons de jeunes de fonctionner jusqu’à la sortie de crise et de répondre aux besoins pressants de nombreux jeunes. Une nouvelle évaluation pourrait ensuite être réalisée afin de ne pas laisser fonctionner indéfiniment les maisons de jeunes ayant fait l’objet d’un rapport négatif. Votre décision concernant les agréments est-elle définitive? Un recours ou une prolongation des délais sont-ils possibles?

Mme Valérie Glatigny (MR)

Messieurs les Députés, je tiens à être transparente sur les nouvelles reconnaissances ou les retraits d’agréments dans le secteur de la jeunesse. (…)

Il n’est pas correct d’affirmer que la Fédération Wallonie-Bruxelles compte désormais quatre maisons de jeunes de moins. Cette affirmation ne correspond pas à la réalité puisque j’ai augmenté le nombre de maisons de jeunes sur notre territoire. Huit nouvelles maisons de jeunes ont été reconnues grâce aux montants obtenus lors du conclave budgétaire afin de résorber l’arriéré de 2018 et 2019, soit un montant de 1,5 million d’euros. Si l’on fait le calcul, la Fédération Wallonie-Bruxelles compte donc quatre maisons de jeunes de plus. À cela s’ajoutent deux centres de rencontres et d’hébergement (CRH) et divers centres d’information de jeunes. Le nombre de structures consacrées à la jeunesse est donc en augmentation. C’est un signal positif que nous voulions envoyer au secteur et aux jeunes, afin qu’ils puissent tourner la page de la crise sanitaire.

La situation actuelle, si dure qu’elle soit, ne peut pas nous conduire à fermer les yeux sur les manquements ou les défaillances sur leplan de la qualité. Ces lacunes ne concernent qu’un infime nombre de structures, à savoir quatre sur plus de 200. Je souhaite offrir le meilleur à tous les jeunes. Un plan de relance du secteur est d’ailleurs en cours d’élaboration. Il bénéficiera aux structures les plus aptes à offrir aux jeunes un encadrement de qualité.

J’en profite pour rappeler la procédure. Le décret du 20 juillet 2000 déterminant les conditions d’agrément et de subventionnement des maisons de jeunes, des centres de rencontre et d’hébergement, et des centres d’information des jeunes ainsi que leurs fédérations (décret «Centres de jeunes») stipule que le classement dans un dispositif principal vaut pour une durée indéterminée et que, pour conserver son niveau de classement, la maison de jeunes, le CRH ou le centre d’information des jeunes doit respecter les critères quantitatifs et les aspects qualitatifs de son plan d’action.

L’accompagnement des maisons de jeunes est mené en continu par le Service général de l’inspection (SGI), pour le volet pédagogique et institutionnel, et par le Service de la jeunesse, pour le volet administratif. Les maisons de jeunes sont accompagnées par la fédération à laquelle elles sont affiliées. Les fédérations sont elles-mêmes reconnues par la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’administration évalue, au moins une fois tous les quatre ans, le plan d’action de chaque structure, selon une grille d’évaluation dont le modèle est annexé à l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 5 décembre 2008 déterminant les modalités d’application du décret du 20 juillet 2000 déterminant les conditions d’agrément et de subventionnement des maisons de jeunes, centres de rencontres et d’hébergement et centres d’information des jeunes et leurs fédérations. Cette évaluation survient après la remise d’un avis de la CCMCJ, basé sur les critères quantitatifs fixés aux articles 10 à 14 du décret du 20 juillet 2000 déterminant les conditions d’agrément et de subventionnement des maisons de jeunes, centres de rencontres et d’hébergement et centres d’information des jeunes et de leurs fédérations, tel que modifié par le décret du 9 mai 2008.

À la suite de l’évaluation portant sur les quatre dernières années, mon administration a constaté que quatre maisons de jeunes, sur plus de 200, ne répondaient plus aux critères et prescrits du décret du 20 juillet 2000. Elle a donc proposé de ne pas renouveler leur agrément. En ce qui concerne deux maisons de jeunes, la CCMCJ était du même que l’administration. Pour la troisième, la CCMCJ a préconisé le maintien de la maison de jeunes au niveau M.J.3. Dans le quatrième cas, la CCMCJ était partagée entre la suspension de l’agrément et la rétrogradation. En ce qui concerne les deux cas où l’avis de la CCMCJ ne concordait pas avec celui de l’administration, j’ai suivi la recommandation de mes services, à savoir le retrait de l’agrément.

Cette décision repose sur l’évaluation, non pas du seul travail réalisé en 2020, mais bien du bilan global des quatre dernières années. Plusieurs manquements constatés dans les structures concernées n’étaient donc pas neufs. Bien que le rôle des maisons de jeunes soit crucial, le projet associatif, s’agissant de financement public, doit reposer sur des critères de qualité et respecter les prescrits du décret. Il s’agit d’encadrer nos jeunes le mieux possible et de leur permettre de s’inscrire dans la société en tant que CRACs.

Toutes les modalités de recours sont reprises aux articles 32 à 36 du décret du 5 décembre 2008. Ces articles précisent que les associations peuvent introduire un recours administratif auprès du Service de la jeunesse, à la suite duquel un nouvel avis du SGI et de la CCMCJ sera émis. Le traitement d’un dossier de recours prend environ six mois. Trois maisons de jeunes sur les quatre concernées ont entrepris cette démarche, à savoir celles de Neder-Over-Heembeek à Bruxelles, de Jambes et de Rebecq. La procédure est entamée et suit son cours. Conformément aux dispositions en vigueur, les maisons de jeunes dont l’agrément a été retiré recevront une subvention leur permettant de couvrir leur fonctionnement et leurs emplois pour l’année 2021.

M. Matthieu Daele (Ecolo).

Je vous remercie, Madame la Ministre, pour votre réponse très complète. La création de huit nouvelles maisons de jeunes ne change rien au fait que quatre autres ont disparu. Si le bilan est positif à l’échelle globale de la Communauté française, il ne l’est pas pour les jeunes qui verront leur maison de jeunes fermer ses portes.

Certes, les défaillances doivent être constatées et la qualité de l’encadrement ne peut s’offrir d’aucun manquement. Toutefois, cette intransigeance ne doit pas conduire à casser une dynamique de reprise. L’évaluation des maisons de jeunes porte sur les quatre dernières années. Si des lacunes et des erreurs ont pu être observées sur l’ensemble de cette période, la dernière année écoulée a été synonyme de reprise. Vous avez fait le choix de suivre la recommandation de l’administration, et non l’avis de la CCMCJ. S’il ne faut pas fermer les yeux le passé, il importe surtout d’envisager l’avenir. C’est ce que je vous encourage à faire au moment d’analyser les recours, c’est bien des perspectives d’avenir de ces structures et des jeunes qui les fréquentent qu’il s’agit. Aujourd’hui, ces jeunes ont plus que jamais besoin d’accompagnement.